10 questions à Webster
Aly Ndiaye, alias Webster, est né et a grandi dans le quartier Limoilou à Québec. D’un père sénégalais et d’une mère québécoise, il a toujours été fier de ses origines et se présente comme un SénéQueb métis pure laine. Sa passion pour l’histoire l’a mené à faire des études universitaires dans ce domaine.
Depuis 2009, il parcourt le monde afin de présenter des ateliers d'écriture où il apprend l'utilisation créative du français à travers le rap. Il a visité plusieurs universités américaines dont Harvard, M.I.T., Howard, Georgetown et UCLA. Webster a présenté à plusieurs reprises cet atelier aux États-Unis, notamment à Harvard, au Massachussetts Institute of Technology de Boston et à Howard University, Washington D.C.
Sur la création
1. Qu’est-ce qui déclenche votre écriture? Est-ce un événement, une émotion, un souvenir ou un projet bien déterminé et de longue haleine?
L’élément déclencheur pour mon écriture est habituellement un jeu de mots, une rime ou une tournure de phrase que je trouve intéressante. Quand j’ai trouvé un instrumental qui me plaît, je réfléchis à quelle forme pourrait prendre le texte et comment l’amorcer.
2. Quels auteurs francophones conseillez-vous à nos lecteurs de la Bibliothèque des Amériques?
Frantz Fanon et Cheikh Anta Diop.
Sur l’écriture
3. Vous pratiquez différents genres littéraires, l'écriture des chansons, l'essai, le roman jeunesse. Quel est le lien entre ces différents écrits?
Le lien est très certainement le rap. C’est à travers ce dernier que j’ai appris à jouer avec la langue. D’ailleurs, mon essai À l'Ombre des Feuilles est un manuel d’écriture hip-hop et le livre jeunesse Le Grain de Sable est écrit en vers.
4. Quelle est la genèse de votre livre jeunesse Le grain de sable qui raconte l’histoire d’Olivier Le Jeune, le premier esclave africain à Québec?
À travers Le Grain de Sable (éditions du Septentrion), j’ai voulu mieux faire connaître l’histoire de la présence afro-descendante au Québec et au Canada; je désirais raconter cette histoire en dehors des livres spécialisés. J’ai rencontré Valmo (l’illustratrice) dans le cadre de la soirée littéraire Paroles sur images où un.e illustrateur.trice était pairé.e avec un.e auteur.trice. Nous avons ainsi décidé de raconter l’histoire d’Olivier Le Jeune lors de cette soirée et nous avons ensuite proposé à l’éditeur Septentrion de la publier.
Sur l’histoire des noirs
5. Au Canada, nous commémorons l’histoire des Noirs chaque février depuis 1995. Comment célébrerez-vous cet événement en 2020?
Je vais donner plusieurs conférences à ce sujet. Il est toutefois important de rappeler qu’il faut sortir cette histoire de février afin de ne pas la confiner à ce mois et ne plus en parler le reste de l’année; ce n’est pas que l’histoire des Noirs, mais bien les histoires canadiennes et québécoises.
6. Qu'est-ce qui devrait être mieux connu de l'histoire des Noirs au Canada selon vous?
Tout. À peu près rien n’est connu de cette histoire. Par exemple, peu de gens savent que le premier Africain est arrivé dans la ville de Québec en tant qu’esclave en 1629; il s’appelait Olivier Le Jeune (de son nom de baptême) et venait de Madagascar, il avait 10 ans.
7. Quel est le héros noir qui vous inspire et qui pourrait se trouver au cœur de votre prochain livre?
Alexander Grant. C’est le premier activiste afro-descendant à Montréal dans les années 1830. Son histoire est fascinante et tout à fait inconnue de la population.
Sur la francophonie
8. Que vous inspire le mot francophonie?
Historiquement, l’existence de la francophonie me rappelle le colonialisme et le fait que s’il y a tant de gens qui parlent français en dehors de la France aujourd’hui, c’est parce que cette dernière a conquis et dominé politiquement, économiquement et culturellement une partie de la planète. Outre cet héritage colonial, la francophonie permet désormais à plusieurs gens de partout à travers le monde de pouvoir communiquer dans un même langage ou, pour ainsi dire, une lingua franca.
9. Le Hip hop est d'abord un phénomène américain et anglophone. Le choix d'écrire en français, s'est-il imposé à vous naturellement?
Non. J’ai commencé à écrire en 1995 à une époque où ce n’était pas concevable pour ma génération de rapper en français. C’est beaucoup plus tard, en 2003, que j’ai réalisé que je pouvais écrire dans ma langue maternelle et que je serais assurément meilleur, ayant une plus grande maîtrise.
10. Quelles sont les causes, les valeurs que vous mettez de l’avant lors de vos spectacles de hip hop, vos ateliers d’écriture ou vos conférences?
J’essaie de transmettre des valeurs qui vont au-delà de la tolérance et l’acceptation: Vivre-Ensemble, c’est bien, mais il est beaucoup mieux de Grandir-Ensemble et de Construire-Ensemble.
Biographie de Webster
Militant, Webster s’implique beaucoup socialement. Il donne régulièrement des conférences sur une multitude de sujets dont, son thème de prédilection, l'histoire de la présence afro-descendante et l’esclavage au Québec et au Canada depuis l’époque de la Nouvelle-France. Afin de mieux diffuser ces informations, il a mis sur pied les tours Qc History X, une visite guidée de la ville de Québec à propos de ce pan d’histoire largement méconnu. Il était aussi le commissaire de l’exposition Fugitifs! au Musée National des Beaux-Arts du Québec d’avril à septembre 2019.
Côté musical, Webster est actif depuis 1995 ; membre-fondateur du collectif Limoilou Starz, il est un vétéran et l'un des pionniers du mouvement hip-hop québécois. Le Vieux de la Montagne est reconnu pour la qualité de ses textes ainsi que l'intelligence de ses propos. Son art est un outil qu’il affine depuis plus de deux décennies afin de véhiculer de la manière la plus créative son bagage culturel et intellectuel.