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10 questions à Martine Noël-Maw

Crédit photo : Tim Maw

Auteure et dramaturge, Martine Noël-Maw demeure à Regina en Saskatchewan depuis 1993. En plus d’écrire et de participer à des événements littéraires au Canada comme en Europe, cette écrivaine a longtemps enseigné le français langue seconde à l’Université de Regina, et elle est également traductrice et éditrice.

Martine Noël-Maw nous parle de sa fascination pour l’Ouest canadien et dévoile quelques secrets de ses créations littéraires.

Sur la création

1. Est-ce que vivre dans une communauté francophone minoritaire à Regina en Saskatchewan influence votre rapport à la création?

Je crois que oui, car cela me met dans une position où il m’apparaît encore plus important d’écrire en français, alors que je pourrais tout aussi bien écrire en anglais, ce que j’ai beaucoup fait dans le domaine des affaires. Disons que c’est ma forme de « résistance ».

2. Quels domaines nourrissent vos projets littéraires?

Mes écrits sont beaucoup nourris par la Saskatchewan et sa riche histoire. Qu’il s’agisse de Fort San, un ancien sanatorium situé dans la vallée Qu’Appelle; le Big Dig du lac Wascana, un projet pharaonique du début des années 2000; la contrebande d’alcool et le « boozorium » des frères Bronfman à Bienfait, dans les années 1920; l’ancien zoo et le parc de la vallée Wakamow de Moose Jaw; ou une vieille école abandonnée près de Spiritwood. Je suis aussi inspirée par des personnages historiques qui ont vécu en Saskatchewan, comme Louis Riel et Ernest Dufault alias Will James.

3. Quels étaient vos premiers contacts avec l'écriture?

Je garde un vif souvenir de la première histoire que j’ai écrite. J’avais sept ans, j’étais en deuxième année, et nous avions reçu la consigne d’écrire une histoire qui mettait en scène des personnages non humains. J’ai raconté la naissance d’un oiseau. Le texte se terminait par : « Lève-toi, petite fauvette. Tu t’appelleras Juliette. » J’avais la rime facile!

Sur vos œuvres

4. Quelle est la genèse de la pièce de théâtre Will & Ernest?

J’ai découvert cet homme au destin extraordinaire dans le documentaire Alias Will James de Jacques Godbout, auteur et cinéaste québécois.

Quand j’ai su que ce héros américain était en réalité un p’tit gars de Saint-Nazaire d’Acton, au Québec, j’ai voulu écrire un roman jeunesse pour faire découvrir ce personnage haut en couleur, méconnu dans la francophonie. De fil en aiguille, le roman a bifurqué vers le théâtre. Cinq années de recherche et d’écriture ont abouti à la pièce, mais aussi à un roman adapté de celle-ci, de même qu'à un roman jeunesse (tous deux à paraître).

5. Ernest Dufault, alias Will James (1892-1942), est un Québécois d'origine, dessinateur et auteur d’une douzaine de romans qui a passé sa vie adulte aux États-Unis. Il est devenu l'incarnation du cowboy d'Hollywood et de l'Ouest américain en reniant ses origines : « J’suis un artiste. J’ai arrangé les choses pour donner aux lecteurs ce qu’ils attendaient d’un vrai cowboy. Si j’avais raconté que j’suis né dans une bonne famille catholique, unie et heureuse, ça aurait pas ému personne. Ça aurait pas fait Far West. » Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce personnage absolument fascinant et déraciné?

Ce qui m’a séduite, outre son talent d’auteur et d’illustrateur, c’est le fait qu’il ait réussi à dissimuler sa véritable identité. Il s’est inventé une enfance américaine dans sa pseudo autobiographie Lone Cowboy, My Life Story dans laquelle il se présente comme un jeune orphelin qu’un vieux trappeur canadien-français a pris sous son aile. Ce n’est qu’en 1967, soit 25 ans après sa mort, que sa véritable identité a été révélée dans le livre d’Anthony Amaral intitulé Will James, the Gilt Edged Cowboy. Chapeau!

6. La Bibliothèque des Amériques offre une dizaine de vos romans jeunesse. Lequel est le plus important pour vous? Que voulez-vous que les jeunes lecteurs apprennent de cette histoire?

Je dirais Trois millions de pas qui raconte l’histoire de Laetitia qui traverse à pied l’Italie, la France et l’Espagne dans l’espoir de retrouver son père. Ce roman m’a été inspiré par mes marches sur le Chemin de Compostelle. Même si l’histoire se passe en Europe à la fin des années 1800, elle est très proche de moi. C’est un périple à travers les pays et les émotions qui témoigne de l’attachement d’une fille pour son père. La détermination et la persévérance dont fait preuve Laetitia la mèneront vers des retrouvailles bouleversantes avec ses souvenirs enfouis. Des critiques en ont dit que la fin est étonnante et sublime. J’avoue que j’ai moi-même été surprise en l’écrivant, car l’histoire ne se conclut pas comme je l’avais prévu. C’est la magie de la création. Cependant, si vous désirez avoir une bonne frousse, je recommande Les fantômes de Spiritwood. Je sais que ce roman a fait trembler bien des lecteurs…

7. Quels sont les référents culturels de l’Ouest canadien que vous faites découvrir à vos jeunes lecteurs?

Je m’inspire principalement de faits et de lieux liés à la Saskatchewan. Par exemple, la biographie Louis Riel, combattant métis, m’a permis de découvrir et de partager l’histoire de celui qu’on surnomme le « père du Manitoba », une figure marquante du développement de l’Ouest canadien.

8. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier d’écrivain?

Ce qui me plaît le plus, c’est la possibilité d’allier trois choses que j’adore : la recherche, l’écriture et les voyages. Gagner sa vie en utilisant sa créativité et son imagination est tout un privilège. Et que dire de la liberté? Je peux écrire n’importe où, n’importe quand et sur ce qui me plaît.

Sur la francophonie

9. Que vous inspirent les mots francophonie et francophilie sur le grand continent américain?

Je vis la francophonie à petite et à grande échelle. À la maison, je continue de franciser mon mari anglophone. En Saskatchewan, j’ai travaillé avec des centaines d’élèves francophones et d’immersion. J’ai fait des tournées d’un bout à l’autre du Canada. En 2009, grâce au Centre de la francophonie des Amériques, j’ai eu la chance de présenter la collection eSKapade (des romans écrits pour les jeunes et avec les jeunes publiés aux Éditions de la nouvelle plume) au congrès annuel de l’American Association of Teachers of French (AATF), à San Jose en Californie. Pour moi, la francophonie est ancrée dans mon quotidien.

10. Vous considérez-vous comme une écrivaine engagée?

Je suis une écrivaine engagée, et ma cause, c’est ma langue. Un jour, un écrivain anglophone m’a demandé pourquoi je persistais à écrire en « latin » (!). Pour moi, c’est clair. J’ai fait le choix de m’exprimer, de m’affirmer et de m’afficher dans la langue de mon cœur, celle que je préfère et que j’ai choisie de cultiver.

Biographie de Martine Noël-Maw

Originaire de Rouyn-Noranda, au Québec, Martine Noël-Maw a à son actif plus de 15 œuvres qui s’adressent aux jeunes comme aux adultes.Diplômée en littérature française de l’Université de Montréal, ses écrits lui ont valu plusieurs honneurs dont le prix SATA 2020 du meilleur texte dramatique pour sa pièce Will & Ernest (2020) et deux Saskatchewan Book Awards (Amélia et les papillons en 2006, et Dans le pli des collines, 2e édition en 2010). Elle a aussi été finaliste au Prix du récit Radio-Canada (2015) et présélectionnée au Prix de la nouvelle Radio-Canada (2016).

Découvrez les œuvres de Martine Noël-Maw dans la Bibliothèque des Amériques